Dans la bulle de l'art à Dubaï, des artistes indiens, pakistanais, syriens ou iraniens

Judith Benhamou, LES ECHOS, Février 29, 2024
La foire Art Dubai est le moment culminant du marché local, qui met en avant des artistes de la diaspora du Moyen-Orient, mais aussi d'Inde et du Pakistan. La ville devient de plus en plus active dans le négoce de l'art contemporain, profitant de l'afflux important de nouveaux acteurs économiques. 
 
A Dubaï, Tushar Jiwarajka fait des propositions d'envergure et se montre très satisfait de son activité commerciale. Le papier peint de Rashad Rana est à vendre pour 650.000 dollars et son grand cube central pour 350.000 dollars. Il expose aussi à Alserkal une installation de neuf grands écrans projetant des images d'animation d'une des stars de l'art indien, Nalini Malani (née en 1946). L'oeuvre a déjà été vendue à cinq musées, selon le galeriste. Ce genre d'initiative marque une progression de l'offre artistique de Dubaï, qui reste cependant globalement d'un niveau moyen. L'année dernière, la galerie Perrotin s'y est installée avec ses deux jeunes associés de l'époque, Tom-David Bastok et Dylan Lessel.
 
Cependant, à la suite de l'achat de 60% des parts de la galerie Perrotin par la firme suisse Colony Investment, le 13 février dernier, Bastok et Lessel déclaraient reprendre leur liberté ainsi que les locaux de l'avenue Matignon à Paris et de Dubaï. Dans les Emirats, ils participent à la foire et proposent dans leur galerie du centre commercial luxueux DIFC une exposition consacrée à trois stars américaines: Andy Warhol, Jean-Michel Basquiat et Keith Haring.
 
Les noms sont grands, mais les formats minuscules ou sur papier, comme une mini-peinture de fleur d'Andy Warhol de 12,5 x 12,5 cm. Les oeuvres sont à vendre entre 300.000 et 1,1 million de dollars. « Je me suis installé ici avec ma famille, confie Dylan Lessel. A Dubaï, on a l'opportunité de rencontrer des personnes de Mumbai ou d'Azerbaidjan qui sont curieuses de l'art et qui, pour certains, ont déjà des oeuvres importantes. »
 
Vivier de consommateurs d'art
En matière d'activité économique, l'effet bulle de Dubai semble aussi fonctionner. Nombre de sociétés financières se sont installées récemment dans la cité pour des raisons fiscales. Il s'agit d'un vivier de consommateurs d'art à haut pouvoir d'achat. D'ailleurs, alors que les galeries de Londres ou de Paris se plaignent d'une baisse sensible de leur activité, dans la cité émiratie, le négoce continue à bien fonctionner : « Nous enregistrons le même volume de ventes que l'an dernier », observe Tom-David Bastok. La galeriste Leila Heller possède une galerie à New York, mais aussi un vaste espace dans le quartier Alserkal. « Notre activité s'est nettement ralentie à New York. A Dubaï, les transactions restent très actives, mais dans une gamme de prix inférieure à 50.000 dollars ».
 
A Art Dubai, elle présente entre autres le travail d'un artiste conceptuel captivant d'origine américano-arméno-iranien: Marcos Grigorian (1925-2007). Ce plasticien qui joua un rôle clé sur la scène iranienne contemporaine dans les années 1970 réalise alors des travaux à cheval entre art minimal et arte povera. Il badigeonne ses toiles de terre. Il y grave ensuite des formes géométriques simples. Les oeuvres de cette période sont proposées autour de 300.000 dollars à la foire par Leila Heller.